Dossier

Objectif : zéro artificialisation nette !

Pour aider les collectivités à atteindre l’objectif de « zéro artificialisation nette » voulu par l’État, l’ADEME travaille à la définition précise des concepts et aux mesures d’accompagnement à mettre en œuvre.


Plus aucune perte de sols naturels, agricoles ou forestiers : voilà l’objectif ambitieux du plan Biodiversité présenté par le gouvernement en juillet 2018. Cette politique de « zéro artificialisation nette » (ZAN) est réaffirmée dans le projet de loi Climat et résilience, dont le chapitre 3 du titre IV porte entièrement sur la lutte contre l’artificialisation des sols et l’étalement urbain. Une feuille de route du gouvernement, en cours d’élaboration, va fixer un calendrier et une trajectoire pour l’atteinte de cet objectif. « A priori, il s’agirait de parvenir à diviser par deux la consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers d’ici à 2030 et de parvenir au zéro artificialisation nette à plus long terme », confie Isabelle Feix, experte nationale Sols à l’ADEME, qui suit de près le projet de loi et la feuille de route.

Les fonctions écologiques des sols

  1. Rétention, circulation et infiltration de l’eau
  2. Stockage, recyclage et transformation de la matière organique
  3. Rétention et fourniture de nutriments, d’organismes et de végétaux
  4. Filtre, tampon et dégradation des polluants
  5. Habitats d’organismes et contrôle de la biodiversité, régulation des pathogènes
  6. Support physique stable pour les végétaux
  7. Contrôle de la composition chimique de l‘atmosphère
  8. Contribution aux processus climatiques
  9. Altération et formation du sol

 

Surfaces ou espaces ?

Mais pour l’experte, avant de parler de dates et d’objectifs chiffrés, il faut s’accorder sur les définitions. « La vision actuelle des sols n’est qu’en deux dimensions, comme s’il s’agissait simplement de surfaces. Or la lutte contre l’artificialisation est une lutte contre la consommation d’espaces tridimensionnels. Les sols sont constitués de matières minérales et organiques, d’eau et de gaz, ils abritent des espèces vivantes, remplissant des fonctions écologiques, ils fournissent des services écosystémiques. Les sols nous nourrissent, nous abreuvent, nous protègent… », énumère-t-elle. Entre les services de régulation (lutte contre les inondations et les îlots de chaleur urbaine, épuration de l’eau, séquestration de carbone, régulation des pathogènes…), les services d’approvisionnement (alimentation, biomatériaux, bio­énergie, ressources minérales et génétiques…) et même en services culturels (paysages, loisirs…), les sols sont bien plus qu’un simple support physique. « Nous devons aussi examiner les sols dans l’espace, la place de la parcelle dans le paysage, son maillage, ses interconnexions, sa situation dans un bassin-versant ou un corridor écologique », poursuit Isabelle Feix, pour qui la notion de sol renvoie à celle d’habitat écologique.

46 %

de l’artificialisation des sols est liée à l’habitat individuel, 16 % aux réseaux routiers. (Source AGRESTE)

Coupler ZAN et objectif zéro imperméabilisation

Le projet de loi Climat et résilience propose de considérer comme artificialisé « un sol dont l’occupation ou l’usage affecte durablement tout ou partie de ses fonctions » et d’inscrire l’objectif de zéro artificialisation nette dans le code de l’urbanisme. « L’intention est louable, et a le mérite de replacer les sols au cœur des politiques environnementales. Si on veut réellement compenser, il faut le faire à service égal : la destruction d’une zone humide abritant des espèces patrimoniales et atténuant l’intensité des crues ne saurait être compensée par le reboisement d’un champ. Aujourd’hui, dans le cadre de la compensation écologique, on est simplement à surface égale, sans tenir compte des spécificités de tels ou tels sols, avec une forme de double peine pour les terres agricoles qui accueillent à la fois les nouveaux aménagements et la zone de compensation de ces nouveaux aménagements », explique Isabelle Feix. La raison est d’abord économique : une compensation effective qui viserait à restaurer l’ensemble des fonctionnalités des sols aménagés serait très onéreuse, et présenterait en outre un casse-tête logistique : où restaurer une zone humide, un corridor écologique, une zone nourricière pour une espèce sensible ? Le combat serait-il perdu d’avance ? « Pas si on couple le ZAN avec un objectif de zéro imperméabilisation, répond-elle avec malice. Un objectif de zéro imperméabilisation nette (ZIN), plus accessible, serait un compromis, et permettrait d’engager avec plus d’ambition tous les acteurs, collectivités comme aménageurs, dans la lutte pour la préservation des sols. » D’autant que des surfaces artificialisées, comme celles dédiées à un parking ou une route, peuvent être rendues perméables sans changer d’usage.

1/4 des espèces vivantes

de la planète se trouvent dans les sols. Un mètre carré de sol forestier peut contenir plus de 1 000 espèces d’invertébrés (Source : FAO)

Accompagner les collectivités

Outre le projet de loi Climat et résilience, le plan France Relance s’attache lui aussi à limiter l’étalement urbain, principale cause de l’artificialisation des sols. Il propose ainsi la création d’un « fonds friche », doté de 300 millions d’euros sur 2021-2022, destiné à subventionner des projets de recyclage de friches dans le cadre d’aménagements urbains ou de relocalisation d’activités. Dans ce contexte, l’ADEME a lancé un appel à projets en faveur du recyclage des friches polluées, qui dispose de 40 millions d’euros sur deux ans. Le plan de relance favorise également la densité urbaine, avec un dispositif d’aide à la relance de la construction durable à destination des communes, et le lancement du quatrième volet du Programme d’investissements d’avenir destiné à accompagner des projets pionniers, démonstrateurs de formes denses et désirables de la ville. Enfin l’ADEME va lancer, au deuxième trimestre 2021, un appel à manifestation d’intérêt à destination notamment des collectivités pour les accompagner dans la déclinaison opérationnelle de l’objectif de zéro artificialisation nette.

596 000 hectares

en dix ans ont été artificialisés en France, sous l’effet de l’étalement urbain, couplé au développement des transports et des infrastructures. (Source : Cour des Comptes)

Le film “Douce France” : une mobilisation citoyenne

Dans son documentaire « Douce France », le réalisateur Geoffrey Couanon suit une classe de lycéens de Seine-Saint-Denis qui se mobilise autour de EuropaCity, un projet de parc de loisirs, finalement annulé, qui devait s’implanter sur des terres agricoles voisines. L’occasion pour ces jeunes de découvrir les enjeux de l’artificialisation des sols, de s’engager dans la transition écologique, de réfléchir au territoire dans lequel ils souhaitent vivre et au-delà, au monde de demain. Sortie le 24 février 2021.
En savoir plus : doucefrance-lefilm.fr/le-film